bouton de rose - Paris

Bonjour,

quand Le Select aura fini par vous porter sur les nerfs, que vous en viendrez à vous lasser du passage incessant, du brouhaha qui sévit au bar, de la clientèle pédante et ennuyeuse, sortie tout droit d'un roman des 70's d'Yves Navarre ou de Philippe Sollers, vous pourrez choisir de faire quelques pas, traverser le boulevard du Montparnasse, tourner dans la rue Delambre et entrer au Rosebud. Dans ce cocon, devanture boisée, décor des années 60 qui aurait oublié un demi-siècle en un coup de vent et l'éclat évanoui d'un souvenir, l'agitation retombera.

Un fond de musique balaie l'espace, vous avancez dans une pénombre qui gagne en intensité à mesure que vous rejoignez le fond de la pièce. Là, vous vous installez à un petit comptoir praticable des deux côtés, face-à-face avec la personne qui vous accompagne, commandez un mélange (Martini sec, Negroni, Singapore Sling) orthodoxe et impeccable, faites cliquer quelques pièces dans la coupelle en porcelaine aux armes du lieu et vous laissez emporter par une conversation qui n'aura pas plus de fin qu'elle n'aura de résonance dans votre mémoire. Du Rosebud, vous vous rappellerez les cocktails chargés en alcool, les éclats des spots qui miroitent sur les bouteilles, le plafond laqué, l'à-plat verni du bar. Un reflet dans une chevelure féminine, une calvitie mise en valeur par une coupe de cheveux hors de prix, des chaussures anglaises au lustre discret, un solo de trompette bouchée. Et quand vous refermerez la porte, vous laisserez derrière vous des instants qui n'auront peut-être jamais existé. Du moins, c'est ce que vous vous plairez à croire.

D'ailleurs, si vous revenez quelques semaine ou quelques mois plus tard, le Rosebud sera sans doute fermé. Et vous aurez oublié le sésame qui ouvrait les portes. Probablement dans une autre vie.

Platters - Smoke Gets In Your Eyes

Merci de votre attention