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le terrain de sport
15 septembre 2015

le passage du temps - hôtel okura - Tokyo

ENTREE_OKURA

Bonjour,

le Japon restera sans doute de l'ordre du rêve pour moi. L'une des raisons pour lesquelles je ne ne me suis pas envolé pour le Pays du Soleil levant est le coût prohibitif du séjour. Le deuxième motif est qu'il ne me semblait pas possible de faire connaissance avec Tokyo sans dormir dans l'une des chambres de l'Okura. Et la destruction programmée de l'hôtel, chef d'oeuvre bien pensé, calculé à la mesure des artisans qui ont travaillé à cette réussite, géométrie élémentaire de la modernité, me privera désormais de cette possibilité.

tokyo_hokura_tour

"Fermé pour travaux" pouvait-on lire sur le panneau installé entre les colonnes de marbre noir. Il sortait d'un rendez-vous avec le premier conseiller à l'ambassade des Etats-Unis. Un point litigieux sur les questions de licence venait d'être réglé. Bientôt, on vendrait ses produits à New-York et à Chicago. Ses pas l'avaient porté jusqu'à l'hôtel. Par habitude. Ses parents s'étaient mariés dans les salons de l'Okura. Lui et ses frères les avaient imités une trentaine d'années plus tard. Il avait emmené sa première maîtresse dans l'une des chambres à la décoration neutre. Quand il croyait en être fou amoureux. Avant de découvrir que cette sensation s'allumait en lui par cycles. Presque tous les ans. Qu'elle se projetait sur une femme différente à chaque fois et qu'il fallait appeler ça autrement. Un sentiment qui traitait vraisemblablement de la confiance en soi. Le contrat qu'il venait de négocier avec le conseiller, quelques années auparavant, il l'aurait signé à l'une des tables du restaurant traditionnel de l'hôtel. Rien ne lui déplaisait à l'Okura. Le calme, l'espace, la discrétion y prenaient leurs aises pour combler les attentes du client. Ici, le style international était parvenu à s'affranchir des contraintes de la standardisation et ouvrait un dépliant bien assimilé de techniques et d'arts endémiques mis en valeur plus qu'intégrés par l'architecture des lieux. Mais ce qui rendait le bâtiment cher à son coeur tenait plus du dialogue avec la mémoire, du lien affectif que de l'appréciation esthétique. Même s'il savait qu'artisans et prestigieux architectes avaient été sollicités pour la réalisation des lieux, il aurait été en peine de citer le nom de l'un d'entre eux. Son attachement à l'hôtel se lisait ailleurs et autrement. Et personne ne pouvait le lui disputer. Ni le comprendre, ni l'interpréter. Il en tirait une satisfaction très personnelle. Un sourire amer lui échappa. A quoi bon cet afflux soudain de nostalgie ? A quoi bon avoir gagné une position que beaucoup lui enviaient si elle ne lui était pas utile pour racheter l'Okura ou qu'il ne ne disposait pas des influences nécessaires pour convaincre des investisseurs de le faire en son nom ?  Dans un magazine, il avait lu qu'un étranger, un homme déguisé en coureur de Formule 1 en villégiature à Punta del Este, prenait en charge le dossier de l'hôtel et lançait une pétition pour essayer de différer, voire d'empêcher, la reconstruction. Ca lui avait déplu. Sans qu'il s'explique vraiment pourquoi. Il se demanda de quoi les années à venir allaient encore le priver. De sa chaise au café Royal ? Il décida d'appeler son épouse. Ils iraient manger une côte de porc panée au Maisen. Avant que le restaurant disparaisse à son tour.

hotel_okura_lobby

Merci de votre attention

 

 

 

 

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