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le terrain de sport
18 octobre 2015

jusque ici tout va bien - Everything's Fine - The Saints - Londres/Brisbane

BRISBANE1

Bonjour,

jusque ici, tout va bien. Jusqu'ici, tout va bien. En commençant à écrire ces lignes, j'avais cette citation en tête. Sans pour autant la rattacher à La Haine, film que je n'ai pas aimé voir, que je ne me souviens peut-être même pas avoir vu, mais en la tirant vers un sens apparié à l'allégorie des trois petits singes. J'ignore donc je suis. Tout s'écroule peut-être autour de moi, mais je n'en ai pas conscience, donc : jusqu'ici, tout va bien. Naissaient également des images construites je ne sais où, ni comment, peut-être générées par la pochette d'un album, d'une ville compressée par un soleil dont l'hémisphère nord ne pouvait soupçonner la virulence. De larges boulevards, stériles et déserts sous la lumière atone d'un dimanche permanent. Un hangar désaffecté devant lequel posaient 4 petits punks. Cheveux plutôt longs, comparés à leurs congénères londoniens, et costumes 60's affûtés. Postures à la Brando et culture rock trop mature pour le No Future britannique. D'ailleurs, à peine quelques mois s'écouleraient - deux années, en fait, selon le calendrier grégorien, mais six semaines d'un temps adolescent, selon un calendrier à usage personnel confronté à l'urgence de la découverte, à un séjour en Angleterre et à une première confrontation avec des bacs à disques en forme de Libro de Arena - avant que la petite troupe à l'apparence décidemment trop éreintée pour un état civil si juvénile, 20 ans à peine au compteur, n'éjecte son What's goin' on ou son Otis Blue à elle avec une aisance confondante et quelques jours de studio bâclés par la mésentente, prouvant une fois encore, si besoin était, que non seulement la valeur n'attend pas le nombre des années, mais pis, au vu de l'absence d'intérêt des productions suivantes de Chris Bailey, que les années n'ajoutent pas à la valeur.

The_Saints_Im_Stranded_405605

En quelques trimestres, une poignée de gigs, un aller sans retour pour les green grass valleys of England, les Saints venaient de créer un son, joué le pied au plancher d'une Ford Thunderbird et arraché aussi bien au swing d'un Presley ou des sections rythmiques de la Stax qu'au garage rock des mid-sixties ou à la violence des Stooges et des MC5. Un groupe issu de la banlieue de Brisbane, non-lieu du nord-est australien pétri de pensée conservatrice, s'apprêtait à boucler une suite logique ouverte 48 mois plus tôt au lycée et qui se refermerait non sans avoir craché deux albums indispensables et une anthologie du rock, du blues et de la soul à elle seule, fontaine de jouvence à laquelle tout musicien qui se respectait allait venir s'abreuver dans le futur. Prehistoric Sounds, annonçait la pochette en Arial Font rouge sur arrière-plan de gratte-ciel vintage à demi engloutis : les sons préhistoriques, dans l'imaginaire de ces jeunes gandins qui avaient biberonné aux mamelles confondues de la Stax, d'Atlantic et de la Motown, renvoyaient aux 30 dernières années de la musique populaire. L'album mettait pourtant en scène l'exemple même de ce que devrait être le modernisme bien compris, quel que soit le domaine concerné : une assimilation du passé devant servir de moteur, de propulseur à des intentions neuves. Et c'est ce que se révélait être l'album de bout en bout : une chaîne jouissive de maillons forts, liés les uns aux autres par une section de cuivres et un binôme basse-batterie au groove implacable portant à bout de bras toute la morgue, l'énergie et la hargne du punk. Entre autres The Prisoner à l'économie contagieuse ou The Chameleon à l'ironie nonchalante - il serait impossible de décortiquer toutes les perles que l'album retient dans ses filets - cet Everything's Fine parvenait à se détacher du lot qui roulait et balançait des hanches comme un mannequin taille 46 égaré sur le catwalk, sans jamais oublier qu'on ne bâtit pas une bonne ritournelle soul sans lui insuffler une dose presque fatale de mélancolie. En témoignait la voix de Chris Bailey qui charrie, là-dessus comme ailleurs, mais ici avec une aisance consommée, de précieuses gélatines dans les décombres de sa tristesse, comme le fond d'une sauce grand veneur liée par des mains que la grâce aurait touchées. Après quoi, sempiternelle histoire de grandeur et de décadence qu'il semblait logique pour lui de surjouer, les Saints première mouture se sépareraient, Bailey continuerait pour rien, ou du moins pour pas grand-chose, à hanter les salles de bal et les clubs des périphéries, et des labels pour vieux cons nostalgiques rééditeraient sans fin des rééditions de redditions. Jusqu'ici, tout va bien. Alors on continue. Everything's fine carry on.

BRISBANE2

The Saints - Everything's Fine

Merci de votre attention

 

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