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le terrain de sport
7 novembre 2015

24.000 baci - Saluti da Roma anni 60-70 - un jukebox italien - Rome, Milan, Paris, Barcelone

10 SNAPSHOTS FROM THE 60'S - PRIS AU HASARD DES REMINISCENCES, UN FLORILEGE DE CE QU'ETAIT L'ITALIE AU CROISEMENT DES 60'S ET DES 70'S - LA PROMESSE D'UN MONDE EN DEVENIR, L'INVENTION D'UN FUTUR DE LA CULTURE POPULAIRE

DOLCEVITA2

Bonjour,

au début des années 80, quand Londres survolait le post-punk pour s'asseoir sur un passé proche, mais déjà réchauffé, quand New York envoyait promener le CBGB vers des étendues hardcore dolentes, que Madrid croyait que la pauvre petite movida allait révolutionner le monde avec le seul nom d'Almodovar pour étendard, Barcelone inventait le post-modernisme. Des bars aux mises en scène improbables voyaient le jour en plein environnement résidentiel. Alors que les premiers afters naissaient aux frontières de la ville et de l'envisageable (une plage exotique plantée dans le box d'un parking de la Meridiana), poussant les noctambules vers des retranchements étonnants que le village olympique n'avait pas encore envisagés, des speakeasy fleurissaient à fleur de colline et de quartiers xarnegos dont Paris, Brooklyn et Berlin ne verraient la lumière que 30 ans plus tard, comme d'une étoile déjà éteinte.

Dans son coin du nord d'une Italie ignorée des magazines, Milan se dédiait au travail, acharnée à repenser une mode dont elle serait le chantre au 21ème siècle, et s'envolait faire la fête chez les Catalans, oubliant volontairement que la capitale du sud lui avait soufflé la vedette deux décennies plus tôt. Les sinistres 80's faisaient le ménage sur le pas de leur porte, Nanni Moretti demeurant le seul représentant d'une scène romaine tombée en désuétude. Dédiée au tourisme, Rome tentait de mettre au rancart l'indiosyncrasie qui l'avait vue renaître 40, 50 ans auparavant. Pour mieux s'effondrer en beauté.

Revenons au début de la fin des 30 Glorieuses. Alors que Paris, cherchant un second souffle, peine à attirer les avant-gardes depuis que le pic de l'existentialisme et de Saint-Germain l'a portée sur le devant de la scène dans les années 50, Rome, dès 1960 s'impose naturellement par l'excellence de son cinéma, sans avoir besoin de recourir au prétexte d'une vague, nouvelle ou pas. La parenthèse enchantée italienne s'ouvre en 1960 sur La Dolce Vita et se refermera 20 ans plus tard sur le ballet somptueux et mortifère du post-moderne Inferno de Dario Argento.

Entretemps, Valerio Zurlini, proposant une alternative à la prépondérance romaine, comme Bolognini le fera avec sa Toscane natale, aura fixé la riviera adriatique, Rimini et Ricionne, dans l'inconscient collectif et donné son dernier grand rôle à Alain Delon, après avoir fait débuter Jean-Louis Trintignant et Jacques Perrin. Pasolini aura inventé un cinéma des marges, des coins de rues endormis sous la pluie et des terrains vagues. Fellini aura développé ses théories d'émotion boufonne avec une justesse et une générosité telles que son nom demeurera à jamais associé à un adjectif déterminant son style. Il maestro aura également créé un personnage d'une pertinence évidente, de plus en plus présent dans nos vies actuelles à mesure que les nouvelles technologies apprennent à confondre l'intime et le public : Paparozzo. Le chiffre trois aura vu son sort lié pour l'éternité, ou du moins l'idée qu'on s'en fait, à la trilogie d'Antonioni. Après quoi, le metteur en scène aura été jusqu'au bout de ses intentions cinématographiques en offrant au public, avec Blow Up, le cadeau de l'absence de sens, le vide pour thème - un peu l'équivalent de l'épure extrême à laquelle Mies van der Rohe était parvenu avec l'immeuble Seagram - une façon de signer la mort d'un art, de ne plus permettre à ceux qui suivent de produire autre chose que du post-, comme après le Déluge, l'Armageddon ou le bout de la rue. Et les années 70, en grande partie incarnées par les images saturées et délétères de Visconti, auront refermé la parenthèse en accumulant une débauche de flamboyance mêlée de critique amère des modes de vie engendrés par l'après-guerre, à travers les oeuvres de Federico Fellini, encore et toujours, ou de Sergio Leone qui portera jusqu'au grand public la notion de néant, développée par son confrère Antonioni, en surjouant l'ennui et le silence, en les dotant d'un pragmatisme wharolien.

Ci-dessous, une tentative de définition, en musique, en images et en 10 chapitres, de l'esprit de cette époque.

 

1

C'est le morceau qui a donné l'idée de cet article, ainsi que d'une partie de son titre à rallonge et à tiroirs. A tout seigneur, tout honneur

24000 Baci - Adriano Celentano 1961

 

2

En quoi consistait l'alchimie précaire de la Dolce Vita : une paire de lunettes de soleil, une mèche savamment décoiffée, un café sur la Via Venetto, des nuits sans lendemain, l'ennui pour dénominateur commun

 

DOLCEVITA3

 

3

Le Twist de l'Eclipse. Mina traversera 20 années de chanson italienne en grande triomphatrice. Personnalité vénérée en Italie, mais ailleurs également et jusqu'au Japon, notre Dusty Springfield transalpine affichera une personnalité telle que jamais elle ne daignera céder une once de terrain public à sa vie privée. Ce qui l'amènera à quitter définitivement la scène en 1978, tout en continuant à enregistrer avec une régularité qui conservera son image intacte dans le coeur des Italiens. Ici, une balade automobile à travers un paysage périphérique japonais, dans l'esprit des images produites par le cinéma d'alors

Mina/L'eclisse Twist/太陽はひとりぼっち

 

4

Au-delà de la démonstration, un peu facile, le Théorème de Pasolini apportera sur un plateau un des grands thèmes de la fin du 20ème siècle qui hante encore ce début de 21ème où il promet de s'épanouir : l'acceptation de la différence et la reconnaissance de la confusion des genres comme un genre en soi

th_or_me

 

5

Eté Violent, de Valerio Zurlini, ou quand une soirée d'été dans une station balnéaire prend valeur de mythe. Jean-Louis Trintignant, enfermé dans une logique amoureuse, incapable de sentir que la monde vacille autour de lui. Eleonora Rossi Drago, partagée entre les 3 rôles - épouse, mère et femme - que la vie et les circonstances lui ont assignés, sortant avec douleur des uns pour se précipiter avec culpabilité et délectation dans l'autre. Et puis une soirée, oppressée par le couvre-feu, retenant son souffle jusqu'à l'asphyxie. La musique de Bing Crosby. Une villa insuffisamment meublée. Des couples qui dansent, se défont et se refont. Chassés-croisés sentimentaux. Intentions qui échouent à s'incarner. Jeux de rôles et de dupes à l'issue desquels personne ne trouvera sa solution. Ensuite, un quai de gare, les balles qui sifflent, une débâcle, des dos qui se tournent, comme on tourne le dos à l'évidence

TEMPTATION - BING CROSBY (ESTATE VIOLENTA)

 

6

Avec la Dolce Vita, l'Avventura constituera un formidable agrégateur de toutes les velléités de création qui habiteront les 60's italiennes. C'est de là que tout est parti, mais il s'agissait pourtant plus d'un chant du cygne que du début d'une histoire. Les deux décennies mélangeraient ainsi glamour et poésie du béton, Via Veneto et franges suburbaines en un vaste maelstrom qui irait dans le mur dès la fin des années 70. Muse et épouse du metteur en scène, Monica Vitti figurait un peu sa Simone de Beauvoir à lui. Elle le quitte en 1967 sur le tournage du Désert rouge. Le cinéma d'Antonioni s'en ressentira et n'abritera jamais plus la même charge d'émotion désincarnée, conservant la part du vide pour évacuer la part de l'humain

L'avventura - Monica Vitti on the Film's Premiere

 

7

Italienne d'adoption, Catherine Spaak incarnait une version de proximité de la folie douce et de la désinvolture de Monica Vitta. Elle apparaîtra dans Il Sorpasso en fille résignée de l'horripilant personnage incarné par Vittorio Gassman, symbole d'une Italie qui roule en Lancia décapotable, danse sur les plages et claque des doigts. Elle chante ici sur une mélodie de Piero Umiliani, compositeur prolixe plutôt porté sur le nanar et la pochade érotique et grand pourvoyeur de perles rares pour le catalogue Easy Tempo. Après Louise Brooks, l'autre modèle de la Valentina de Crepax ?

Catherine Spaak la notte è fatta per Rubare

 

8

Les périphéries de Pasolini. Ces "non-lieux" qu'il a su aimer et dans lesquels il a su trouver une vérité que d'autres identifièrent sous les néons des grands boulevards romains ou derrière les persiennes des villas de Parioli

Pasolini_periferia_roma

 

9

Comment ignorer Ennio Moriconne dans ce Top 10 des moments constitutifs de l'Italie des années charnières ? Faite de lyrisme et d'ironie, sa signature musicale, au-delà de l'emphase apparente qui peut plomber certaines partitions, lui survivra et se survivra à elle-même, grâce à cette dose d'auto-dérision qui lui permet de ne jamais entamer de processus de vieillissement. Ici, chez Dario Argento, manière de rendre un hommage au maître du psychédélisme cinématographique, à l'aise comme un poisson dans l'eau dans ces 70's qu'il contribuera à façonner. Une composition bien dans la façon du maître, qui emprunte un rythme de bossa que n'aurait pas renié le grand Jobim de l'époque, période Stone Flower

Ennio Morricone - Non rimane piu' nessuno - Originale - L'uccello dalle piume di cristallo (1970)

 

10

Survolant la (dé)charge comique un peu appuyée, un chant d'amour, de vie et de mort entonné par deux artistes en grande forme. Dino Risi, au sommet de sa manière grotesque et raffinée, en partie volée à la Commedia dell'Arte, porte la cabotinerie de Gassmann vers les hauteurs d'un scénario retors qui jongle avec les ruptures de rythme et voit s'affronter dans un combat sans merci cynisme et innocence, tendresse et férocité. Comme dans toutes les grandes œuvres baroques, c’est en se laissant gagner par un déploiement de courbes agressives et de motifs sensuels que Profumo di Donna finit par accéder à son essence. Et que le spectateur voit la lumière naturelle après un abus de couleurs et de néons

profumo di donna

Merci de votre attention

 

 

 

 

 

 

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