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le terrain de sport
30 novembre 2015

en filigrane - daho - les chansons de l'insouciance partagée - oran / rennes / paris

DAHO1

Bonjour,

Il aura fallu la sortie coup sur coup en 2013, puis en 2014, des 3 simples tirés de l'album Diskönoir, pour que je prenne enfin conscience que celui que j'avais jusqu'alors fréquenté par conjoint ou génération interposés, méritait mieux que l'attention d'une oreille distraite.

Ombre de l'ombre des quinquas quadras d'aujourd'hui, même s'il nous suivait depuis l'adolescence, il restait souvent à la porte de notre considération. De ceux qu'on côtoyait à l'extérieur, sans les laisser entrer dans l'intimité. Par les années d'obscurité (90's), on ne le voyait presque plus. Il exigeait la lumière pour exister. La lumière qui bute sur le solide pour dispenser l'ombre. Composante du paysage affectif à quoi on ne fait plus attention parce qu'on l'a assimilée, on en venait à oublier qu'il était toujours présent. Un rappel, en filigrane, ni agréable, ni désagréable, de ce que nous étions et avions pu être. De ce qui nous constituait. Au meilleur de notre insouciance pourtant, dans le ventre de nos souvenirs de fêtes débridées.

On pouvait ainsi définir Daho : un nom sans épithète, une qualité sans adjectif, un prénom tombé dans l'imaginaire collectif, dilué dans la France. Comme une marque de fabrique dont on glisse sur le nom avec la désinvolture, voire l'ennui diffracté, que fait naître la pratique assidue, mais mécanique.

Pour autant, Daho n'appartenait pas au cercle visqueux de ces relations dont on a parfois honte. Ses références et amis en musique composent une vaste famille dont les noms mériteraient d'être recensés dans une encyclopédie du bon goût et de la mesure à usage populaire. Mais l'affection qu'on reconnaissait lui porter, se teintait parfois d'un soupçon de réserve. Ainsi, s'il n'avait jamais succombé à l'entertainment à tout crin, à peine chez Drucker, pas du tout chez Sébastien, il trouvait cependant nombre de ses zélateurs chez ceux qui fréquentent ces créneaux horaires et l'outil de communication tombé en désuétude qu'on avait coutume d'appeler télévision. Un grand écart entre accointances avec les marges les plus respectueuses de la musique du peuple (les collaborations avec Saint-Etienne, Dani, Astrud Gilberto, Rone aujourd'hui) et volonté de livrer du plaisir au carré (reprise de Mon Manège à Moi qui, paradoxalement, et un peu tristement, demeure son single qui a tâté le plus gros pompon du Top 50) au centre duquel notre popstar rencontrait un équilibre, sur le fil duquel il se maintiendrait sa carrière durant. De Piaf en English Pop Scene et de Hardy (Françoise) en Jesus and Mary Chain.

DAHO3

Au début des années 80, Daho est entré sans effraction dans nos vies. A sa façon discrète, en s'excusant presque d'avoir frappé à la bonne porte. Il a ensuite gardé ce cap, pris entre les vents contraires d'une fausse assurance et d'une véritable humilité. Heureux sur une scène qu'il a parfois du mal à occuper pleinement, desservi par une voix aux accents mélancoliques et aux parfums d'amertume intéressants, mais trop courte en bouche pour ne pas se dissiper dans l'air, il s'avère malheureux en plateau. Perdu sous les sunlights des studios ou égaré sur des scènes trop spacieuses pour lui, en dépit d'une volonté de tourner liée à un respect authentique pour son public, c'est sur bande musicale que son génie modeste s'affirme et prend toute son ampleur.

Chantre d'un principe qui n'existerait pas sans lui et dont il a tracé la route en solitaire, la pop française à usage du grand public - on en connaît bien quelques émanations, mais égarées dans le vague d'une incompréhension générale - consommateur boulimique de musiques diverses et défricheur surdoué, Etienne Daho a su vulgariser sans dénaturer, transmettre sans perdre l'esprit. Si la scène internationale rend aujourd'hui les honneurs à tout un pan novateur de la variété (dans l'acceptation de musique variée) française , d'Air à Phoenix, de Justice à Daftpunk, Daho n'y est sans doute pas étranger. Et on ne le remerciera jamais assez d'avoir effectué le travail d'intermédiaire entre les courants contre-culturels et le mainstream le plus digne. Jamais assez, non plus, d'avoir écrit la bande-son de notre jeunesse. Hommage en 10 chapitres.

DAHO2

Les 10 de Daho

Le Grand Sommeil

Au début, il y avait un petit Rennais fraîchement débarqué à Paris, produit par Jacno et assisté par Franck Darcel, frère d'armes, ancien premier couteau dans la troupe martiale du Marquis de Sade. Daho cherchait encore son style et ce Grand Sommeil (en référence au roman éponyme de Chandler ?) est marqué par les tics de l'époque : basse en caoutchouc, saxo grande gueule. La version live électrifiée que le chanteur en livrera en 1989 est beaucoup plus convaincante.

Etienne Daho Le grand sommeil 1982

 

Duel au Soleil

Daho retient dans les filets de sa panoplie schizophrène, le rôle peaufiné à l'extrême du séducteur ému et émouvant, armé et désarmant. La mise en scène de Duel au Soleil portera ce personnage à un tel point d'incandescence (mélodie imparable, textes au cordeau) que Daho le chanteur restera marqué par l'empreinte de Daho le dandy séducteur - presque - malgré lui.

Etienne Daho Duel au soleil LIVE86

 

Saudade

Cette chanson vient plus clôturer les années 80 qu'elle n'annonce les années 90 et leur relative traversée du désert. Un morceau d'un lyrisme rare, une symphonie de claviers en beauté dans la grande tradition late 60's, la voix qui survole un paysage mental comme vu d'un avion. La production, loin, très loin des tics 80's. Chapeau bas. Peut-être un peu trop glorieux pour les honneurs des charts qui lui préféreront le pragmatiques Des Attractions désastre.

Etienne Daho - Saudade 1991 Official Music Video (Better Quality)

 

Les bords de Seine

Une bouffée de fraîcheur patraque qui mélange avec bonheur jazz, folk et électro. Une bossa sans bossa, mais avec rythme poussif et brinquebalant, ironie à tous les étages et fille d'Ipanema en cerise sur le gateau

Étienne Daho & Astrud Gilberto - Le Bords de Seine

 

Rendez-vous à Vedra

Avec Rendez-vous à Vedra, Daho revient à ses amours américano-anglaises contrariées : le mur du son shoegaze renvoyé dos-à-dos au mur du son spectorien. Un concentré de Daho à l'arrivée. Un single qui ne touchera pourtant pas sa cible : de tous les morceaux entrés au Top 50, le plus mal classé.

(MCM 90'S) ETIENNE DAHO Rendez vous à Vedra

 

Les Jalousies

Un indice : la seule composition de cette liste qu'on ne trouve pas sur YouTube. Pourtant, sans doute la plus génératrice d'images spontanées : l'hôtel des Janelas Verdes - le Requiem de Tabucchi - une Lisbonne solaire et isolée dans un dimanche permanent - un morceau ombrageux - un format frémissant et sans structures, le confort de la pop et de la chanson rejetés au profit du péril de l'incantation : le plus grand Daho ?

http://www.deezer.com/track/3455938

 

L'Année du Dragon

Pour cette adaptation du Touched by the Sun de Carly Simon, dont les droits furent obtenus à grand renfort de tractations avec l'artiste qui refuse les covers de sa production, Etienne, évitant l'écueil de la traduction, a écrit le texte que lui inspirait la musique. Surfant enfin sur ses rêves inaboutis de soft-rock californien, de sunshine pop ou d'easy listening, de restitution française de la complexité harmonique américaine, il délivre une performance habitée. Tout l'album Corps et Armes tourne d'ailleurs autour des fantômes des Carpenters, de Joni Mitchell, de Lee Hazlewood ou de Jackson Browne, de cette tentation à laquelle l'Invitation donnera corps.

Etienne Daho - L' Année du Dragon

 

Les Chansons de l'Innocence retrouvée

Le retour du Daho des débuts, basse ronflante, guitares saillantes, discrètement saturées, et synthés à la Girogio Moroder. Tout est en place pour planter un tube de l'été au centre des radios. Succès assuré. 30 ans plus tard, la recette Daho fonctionne toujours, avec la même dose d'insouciance qu'aux premiers jours.

Étienne Daho - Les Chansons De L'Innocence

 

En surface

Au moins 3 versions "officielles" identifiées : l'originale, le remix de Drone et le duo avec Dominique A. J'ai privilégié la dernière pour son envolée initiale de cordes qui tend un drap bruissant sur lequel les voix viennent dialoguer.

En surface - version duo Etienne Daho & Dominique A

 

La Peau dure

Des arpèges et des guitares cristallines pour convoquer l'enfance maltraitée, la difficulté à grandir et la douleur de vivre. On a déjà entendu la chanson ailleurs. Oui, mais l'honnêteté foncière de Daho l'autorise à y mettre un surplus d'émotion qui ne peut laisser indifférent. The same old song, peut-être, mais dont on sait qu'elle creuse au coeur de la biographie.

Etienne Daho - La Peau Dure

 Merci de votre attention

 

 

 

 

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