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le terrain de sport
7 février 2016

MOTOR CITY ON HIS MIND - L'OBJECTIF AIGUISE DE PHILIP JARMAIN - DETROIT

DETROIT_ANNEES_40Detroit, dans les années glorieuses de la première moitié du 20ème siècle

Bonjour,
symbole d'une Amérique qui disparaît, Detroit a pourtant contribué à écrire sa légende. Celle du mid-century, des voitures avides de pétrole et de reconnaissance, des malls et des banlieues pavillonnaires omniprésents. Un système d'extension de la ville à l'infini qui en a tué les noyaux originels et dont la ville a été la première victime. Produire le flingue qui lui ferait voler la cervelle en éclats aura été le credo de Detroit.
Dès le début des années 60, les classes sociales blanches aisées commencent à s'éloigner du centre pour laisser la place à une population afro-américaine, déshéritée, qui n'a pas les moyens d'entretenir les logements qu'elle investit. Avec la remise en question de l'american way of life et de sa politique raciale, Motor City doit apprendre à composer avec émeutes, misère et manifestations. Au fil des ans, la ville encaisse les coups avec de moins en moins de conviction. Le centre se vide, l'hémorragie ne semble pouvoir être endiguée. Déposant enfin son bilan en 2013, après 50 années de lente déchéance, comme programmée, Detroit devient la première grande ville des USA à se mettre en faillite.
Aujourd'hui, les banlieues proches et anciennement cossues fournissent villas et terrains, pour le prix d'un studio dans une mégapole, à des citadins en mal d'espace. Dans le centre-ville, on détruit d'abord avant d'envisager de reconstruire et de planter. Le fonds d'art contemporain de la commune pourrait être vendu pour résorber la dette. La ville se pense enfin. Mais pour quel avenir ?

DETROIT2Un commissariat de quartier


En 2010, devinant que les bâtiments qui avaient glorifié les belles heures de Detroit, à l'époque de l'automobile triomphante, appartiendraient, bientôt, non pas à l'histoire, mais au souvenir de quelques habitants, Philippe Jarmain, Canadien de Vancouver, s'est mis en tête de saisir leur dernier visage, celui qu'on offre à la mort. Sans relâche, il s'est mis à photographier les lieux emblématiques de la première moitié du 20ème siècle. Administrations, écoles, immeubles de rapport, gymnases, usines, théâtres, sans artifices, ni cadrages savants, tous sont passés sous son objectif.

DETROIT3Le Lee Plazza, immeuble d'habitation

Rendus en packshots, comme autant de produits d'une ère révolue, sous une lumière dure qui ne ment jamais et des contrastes violents, les édifices accusent différents degrés de vétusté. L'image, crue et belle, imprime la marque de l'oeil attentif, mais dépourvu d'émotion, du photographe - on pense parfois aux clichés de Stephen Shore. Perdus pour le regard, parce que la ville n'accueille plus de promeneurs et qu'ils sont condamnés à disparaître, les édifices n'ont plus ce devoir de représentation auquel ils sont habituellement contraints : ils portent leurs rides sans ostentation. Sous la patte, parfois à la limite de l'hyperréalisme, de Jarmain, ils osent afficher leur déréliction avec naturel, se sachant voués à la démolition, mais soudain conscients de la beauté de leur état stationnaire. C'est ainsi que le photographe a voulu les représenter. Sans gravité, mais sans empathie. Réconciliés avec eux-mêmes, lançant de derniers feux avant de s'en aller. Tels que l'appareil les a vus. Donc, dans l'acte de création de l'objectif, tels qu'ils sont. Quand le rideau est tombé, mais demeure encore, quelques instants, accroché au souvenir.

DETROIT1Gymnase de la Mackenzie High School

 

http://philipjarmain-americanbeauty.com/
Une exposition en ligne, à visiter en musique sur de vieilles propositions issues du "Only Lovers Left Alive" de Jarmush, film coincé entre Detroit et le détroit (de Gibraltar), le passé et le futur, la fin et l'immortalité, qui avait si bien su rendre la beauté mortifère de Motor City.

Only Lovers Left Alive Clip - Beginning

 

Wanda Jackson - Funnel of Love

CHARLIE FEATHERS Can't Hardly Stand It

Bon voyage et merci de votre attention
PS : à l'heure à laquelle je mets cet article en ligne, le commissariat de police et la Mackenzie High School ont été détruits

 

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