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le terrain de sport
20 août 2015

vers la liste musicale idéale et au-delà... ou 40 raisons définitives de ne plus se boucher les oreilles - Ici et Ailleurs

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Bonjour,

en dépit des nombreuses tentatives dont on peut constater la présence sur le réseau, aucun essai d'assemblage de morceaux visant à l'excellence n'est concluant. Et il s'agit là d'un euphémisme. Peut-on avancer le terme de considération ? Sans hésiter. Disons donc que rares sont les listes d'excellence présentes sur la mer de signes qui occupe quotidiennement notre attention à la mériter, voire à mériter qu'on les considère. A commencer par celles des sites spécialisés qui se révèlent souvent absconses à force d'oublier que la musique populaire doit demeurer avant tout l'affaire du peuple et donc avoir reçu, au moins dans une certaine mesure, son approbation, et pensent qu'on va les excuser parce qu'ils se rattrapent dans la dernière ligne (choisissant d'ailleurs, quand même, pour montrer qu'à eux on ne la fait pas et qu'ils sont détenteurs d'une sagesse que nous ne pourrons jamais égaler, le bon groupe et le bon album, mais le MAUVAIS morceau). La raison principale de ce manque de pertinence réside dans l'absence de respect de certaines règles, celle que j'ai énoncée ci-dessus n'étant pas la moindre. Son contraire arrivant les mains levées en seconde position. Ce n'est pas parce que des millions de crétins assoiffés des seuls rythmes binaires et ritournelles simplettes que leur cerveau est à même de retenir ont adoubé une comptine qu'elle doit faire l'objet de votre choix. Et pas très loin derrière, sur la marche la plus basse du podium, mais sans démériter, le coup de nostalgie. Retenir dans votre liste la scie entendue pendant que vous perdiez votre virginité entre les cuisses de la cheerleader la plus accommodante du pack (et le souffle entre ses seins tout aussi complaisants) est une attitude à éviter. Les maîtres en la matière demeurant (mais, oui, on va les citer, ils l'ont bien mérité, ils ont transgressé à deux reprises, règles 3 et 4, vous allez découvrir pourquoi, mais promis, il n'y en aura pas d'autre, la tentation du name dropping devant rester larvaire afin d'éviter, telle la multiplication des pains, l'étirement de ce post vers l'infini), le mensuel pour américains séniles bien connu des amis de la guitare catatonique et de la batterie parkinsonienne qui non content de porter au singulier le nom d'un groupe qui a connu son heure de gloire il y a près de 50 ans parce que son chanteur portait un sweater sans chemise dessous, nous assène dans sa liste des dizaines (au minimum) de doo-wops inconnus de qui n'a pas fréquenté les campus yankees et, donc, les cheerleaders accueillantes, peut-être même un ou deux gospels, je n'ai pas osé repiquer au truc, l'abus d'excitants ne me réussissant pas, qui trouvent naturellement leur place comme une main dans un gant ou une tête dans le sac au beau milieu d'une énumération sans queue ni tête, justement, semblable au ruban de Möbius prétendant décrire en 500 perles (mais je suis certain qu'ils ont trouvé le moyen d'en glisser des dizaines d'autres, profitant de notre effarement devant tant d'ignominie, j'ignorais d'ailleurs que les musiciens pour le peuple en avaient commis autant) la quintessence de la musique depuis la fin du 19ème siècle. Comprendre donc que la 4ème règle avec laquelle ne jamais transiger s'attache à déterminer la longueur d'une liste qui ne prenant pas exemple sur la phrase que je viens de dérouler, ne doit jamais envisager d'excéder les 100 morceaux (ce chiffre étant déjà un débordement en soi), 10 étant trop peu (sans parler de la sempiternelle île déserte, essayez de passer un week-end entier seul avec 10 chansons : vous constaterez rapidement que, loin d'être les meilleures au monde, elles deviennent rapidement ennuyeuses, puis agaçantes, puis franchement chiantes jusqu'à ce que, de guerre lasse et prêt à vous défenestrer, vous en veniez à souhaiter les pires choses aux mères de leurs connards de compositeurs), 20 encore un peu chiche, arrivez jusqu'à 30, ne dépassez pas les 50 et vous êtes dans la juste mesure. Ce condensé devra savoir résumer à parts égales la réaction de votre propre cerveau aux stimuli provoqués par le son, le poids et le jugement des ans, et le verdict du peuple. Sans que l'une ou l'autre de ces évaluations se satisfasse de sa propre importance. Traduction : la remise en question permanente devra être votre critère principal, ce qui fait que quoi qu'il arrive, votre playlist sera toujours nulle et non avenue. Sauf la mienne, puisque je représente la permanence et que mon goût est très sûr. Vous aurez donc compris que ce post va s'attacher à établir un état actuel de la musique qui fait plaisir en, disons, 40 étapes, tout en trahissant en toute mauvaise foi les règles ci-dessus établies. Vous trouverez les essentiels de votre serviteur ci-dessous. Merci de le juger avec l'humilité dont lui-même a fait preuve dans ces quelques lignes, tout en considérant certains critères : il est Français (le pauvre), c'est un homme (guère mieux) et il n'a pas l'âge qu'ont les gens qui lisent en général ce type de blog (traduction : il est vieux, à vous d'estimer ce que cela signifie). Ajout de dernière minute : God only knows, Ruby Tuesday ou Dear Prudence (quoi que celui-là ait quand même trouvé le moyen de jouer des coudes et de se faufiler parmi les 40, sous une forme dévoyée) auraient gagné leur place dans cette sélection si un effet de lassitude ne m'avait pas contraint à les écarter. Quand je créerai une playlist définitive n'incluant que 3 morceaux, ils en feront partie...

 

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gorillaz clint eastwood

parce que Damon Albarn a vraiment sa place ici, Blur beaucoup moins, groupe trop finaud pour être honnête. Parce que c'est simple, efficace, basique presque, emballé ni vu, ni connu, par la voix sinusoïdale de Sa Majesté Albarn. Mais qu'on peut l'écouter 200 fois (j'en ai fait l'expérience) sans s'en lasser. Vous en avez rêvé, Damon l'a fait.

Gorillaz - Clint Eastwood

gang of four essence rare

parce qu'avec ce morceau - et l'album Entertainment! - ils ont ouvert la boîte de Pandore et déversé tous les maux d'une basse en fusion et d'une guitare agressive dans des oreilles adolescentes à peine remises du punk. Un déluge tel qu'il malmena durablement les esprits et signa leur arrêt de mort clinique, les contraignant à un quasi-silence, les empêchant d'engendrer une descendance directe. Celle-ci naîtra par génération spontanée plus de 20 ans après, déterminant le son d'une époque.

Gang of Four "I Found That Essence Rare" (John Peel Session)

tom jobim correnteza

parce que c'est là qu'il s'est accompli. Dans une musique à la légèreté rarement rencontrée ailleurs. Quand il s'est enfin débarrassé du carcan d'un son pourtant sublime dont il ne revendiquait pas la paternité. Et que ce morceau a la fluidité de la réalité qu'il décrit.

Tom Jobim - Correnteza ( The Stream - 1975 )

taxi girl quelqu'un comme toi

parce que c'est ma jeunesse et, je le souhaite, peut-être la vôtre, sans quoi vous allez comprendre (ou : apprêtez-vous à comprendre) ce que vous avez perdu et vivre est sans doute moins important pour vous que pour moi. Quelqu'un comme toi, pas parce que c'est ma préférée, mais parce qu'elle l'a été, par respect, probablement exagéré, pour cette jeunesse. En atteste le clip plus que douteux.

Taxi Girl ( Quelqu'un comme toi ) 1983

the libertines music when the lights go out

parce qu'ils ont réinventé le rock, et avec quel panache et quelle élégance, à une époque où personne n'y croyait plus et où les beuglements et les excès de graisse d'Oasis régnaient sans partage sur le monde civilisé. Vous avez dit qui ? Les Strokes ? Voyons, un peu de retenue.

 The Libertines - Music when the lights go out

david bowie the man who sold the world

parce que (tiens, il y avait une chanson de Daniel Darc et de Bill Pritchard qui s'appelait comme ça, sur un vinyl avec une pochette au noir et blanc diffus et au lettrage bleu gauloise. Un bel objet, un album très moyen, comme tout ce qu'a fait Darc hors juridiction Mirwais) Bowie et la meilleure cover de Nirvana.

DAVID BOWIE_____THE MAN WHO SOLD THE WORLD

marvin gaye wherever I lay my hat

parce que c'est beau, grave et enjoué à la fois. Parce que ça vole très, très haut et que ça a la grâce. Point. Tiens, j'en mets un autre. Ca s'appelle mettre une emphase. Point. Là. Parce que ça échappe presque aux contingences humaines et que c'est ce que nous attendons de la musique. Qu'elle nous ouvre des portes vers autre chose.

Marvin Gaye: A Motown legend, wherever I lay my hat (that's my home)

cat power the greatest

parce que ragnagna avant c'était plus mieux, avant ça touchait à l'os, ça s'effondrait sur scène, ça criait, ça pleurait de rage, ben non. Avant c'était très bien. Là, c'est un standard. Et on n'écrit pas un standard tous les jours. 99,99% des musiciens n'en écriront jamais.

Cat Power - The Greatest [Later... with Jools Holland 2006-06-23]

pj harvey sheela na gig

parce qu'on ne va pas vous priver pour autant de votre dose d'électricité rêche, revêche et hargneuse, on délègue la tâche à PJ Harvey. Quand on la voit débarquer au début des années 90 avec sa dégaine de fauve décharné, on n'en mène pas large. Notamment devant ce Sheela Na Gig qui menace et griffe alternativement dans une belle décharge d'énergie blanche et atone. Depuis, optant souvent pour le changement de cap, faisant tomber son rock anémique dans des eaux dormantes et insalubres ou le poussant au train pour l'encourager à escalader des pentes plus lyriques, voire à entonner des complaintes gothiques, elle s'est maintenue, sans jamais démériter, dans cette posture initiale faite d'exigeance, d'intransigeance et d'élégance incorrompues.  

PJ Harvey - Sheela Na Gig (Dry)

johnny cash rawhide

parce que tant qu'à faire un choix autant qu'il soit entier et parce que, tout bien considéré, Rawhide revient beaucoup plus souvent dans mon casque que Hurt ou I Walk the Line. Je sais que je vais me faire taper sur les doigts parce que cette chanson n'est pas de lui. Mais tant pis, j'assume mes choix, il en existe tant d'autres chez lui qui ont vu le jour ailleurs et qu'il a servies avec maestria, et une bonne cover vaut mieux que mille mauvais morceaux. Comment, c'est pas Johnny Cash qui chante ? Laissez-moi souffrir en paix. Il est vrai qu'on peine à trouver un fichier video. Vous vous contenterez donc du lien audio.

RAWHIDE

greyhound black and white

parce c'est la meilleure version - ah, cette petite ligne d'orgue au Farfisa en ouverture : un vrai rail de musique à se glisser dans les oreilles - de ce qui est sans doute le grand morceau le plus mal doté en paroles. Avec des textes d'un angélisme à faire trembler de joie un prêcheur dans sa soutane, se rapportant à la loi qui interdit la ségrégation dans les écoles américaines au milieu des années 50, on pouvait s'attendre à mieux. Tant pis. Ca a donné ça. Enjoy yourself.

Greyhound - Black And White

al green here I am

parce qu'une mélodie subtile, des cuivres en velours, une voix de satin, enveloppés dans une culotte de soie. Le tout sans renoncer au muscle et à la sueur. Mes hommages, mon révérend.

Al Green-Here i am baby (come and take me)

breeders cannonball

parce que non. Si ? Si ! Tout le monde a oublié que ce morceau était d'une inventivité et d'une intelligence redoutables. Trop entendu en discothèque. Pourquoi ? Parce que. Va savoir. Très difficile de ne pas le mettre en number 1 de toutes les listes prétendant décrire la réalité de la musique qui fait beaucoup de bruit. Si ce n'est un certain sentiment d'usure que ne sont pas censés engendrer les autres éléments de cette liste. Mais on l'a, vraiment, trop écouté, la faute à l'indigence des DJ de base qui, posez la question, ne doivent pas être nombreux à savoir que la basse est tenue par la patronne des Pixies et que la guitare est entre les mains de sa jumelle. Poco importa. Sans doute le plus grand morceau de power pop. Un défaut ? Manque évident de charisme. Comme tout ce qui a toujours tourné autour du combo de Boston. Trop efficace, en fait. 

The Breeders - Cannonball

betty everett you're no good

parce que l'objet que vous écoutez là est un archétype de la grande chanson soul : cuivres à l'économie, piano laconique, voix puissante et ondulante. Parce qu'on n'a pas tous les jours la chance de pouvoir décortiquer aussi facilement une scie tout en sachant malgré tout qu'il n'y a pas de recette et qu'essayer de la reconstituer ailleurs et autrement ne donnera rien. Amen, mes frères.

Betty Everett - You're No Good

the clash armagideon times

parce que encore une fois pas d'eux. Les Clash, un groupe d'albums, pas de morceaux à se taper la tête contre les murs (à part les perles qu'enfile Combat Rock, mais c'est, justement, un autre combat et s'agissait-il encore des Clash ?). Donc, on prend celle-ci qui ne leur appartient pas et ça leur ressemble bien, qui a dû leur être soufflée par Simonon, le tenant du bon goût jamaïcain, fils de Brixton. Accessoirement, le riddim number one des 70's de Kingston. Le son de base du rude boy à pattes d'éph, micro blouson en denim et casquette puissance 10. Avec la voix éraillée et emportée de Strummer en prime.

The Clash - Armagideon Time [Single]

siouxsie and the banshees dear prudence

parce que troisième et dernière cover de cette play-list, promis, on arrête là (mais rien ne nous interdit de tricher encore). Partant d'une balade en demi-teinte, le grand (le seul, le reste c'est de la série Z) groupe gothique construit une cathédrale d'effroi. Qui carillonne, s'époumone, dégringole, fiche le grand frisson. Bienvenue au roller coaster de l'angoisse.

Siouxsie and the Banshees - Dear Prudence (album version)

ken boothe your feeling and mine

parce que sa voix peut être d'or, comme dans Everything I own, de cuivre en fusion, essayez The One That I Love, ou encore dérouler du fer barbelé, ainsi dans ce grand moment de soul qui n'oublie jamais que l'inspiration de toutes les musiques noires du versant ouest du monde, elle vient de là, elle vient du blues.

Ken Boothe - Your Feeling and Mine

coco rosie by your side

parce que la soul foutue à poil, complètement et définitivement, par des petites blanches déjantées. Un piano désaccordé, une batterie en fer blanc, une voix de gamine folledingue et dangereuse. Ce morceau tue les amateurs de hi fi. Passez votre chemin.

CocoRosie | By Your Side

teenage cool kids uncast shadow of a southern myth

parce qu'à la base on dispose du plus grand groupe punk de cette décennie. Parquet Courts. Qui n'a pas su ramasser sur les 2.30 minutes de rigueur le plus grand morceau punk du XXIème siècle et en délègue la jouissance à l'un de ses nombreux avatars, Teenage Cool Kids, une première émanation du chanteur Andrew Savage. Pour notre plus grand plaisir. En 150 secondes. 3 rifs meurtriers. Et le meilleur titre jamais pondu par un groupe texan de Brooklyn. Le seul ? On dit comme ça.

BNTYK • Teenage Cool Kids - Uncast Shadow of a Southern Myth

dionne warwick there's always something there to remind me

parce que Burt Bacarach, des trompettes péremptoires et cette phrase: I walk along the city streets you used to walk along with me. L'essence de la nostalgie résumée en quelques mots.

Dionne Warwick - (There's) Always Something There To Remind Me (Scepter Records 1967)

tom jobim "encore lui" aguas de março avec elis regina

parce que cette chanson m'a suggéré l'atmosphère d'un roman que j'ai écrit et dont personne n'a voulu. Parce que si la discrétion et la modestie des moyens devaient trouver une incarnation musicale voilà ce que ça donnerait. É pau, é pedra, é o fim do caminho. C'est du bois, c'est de la pierre, c'est le bout du chemin. Ma cabane au Canada ? Et après ? Les pluies de mars. Il pleut sur Liège. Ou sur Rio da Janeiro.

Elis Regina & Tom Jobim - "Aguas de Março" - 1974

beth gibbons tom the model

parce que la chanson la plus aboutie de Portishead. Sans Portishead. Celle qui va le plus loin dans l'addiction à la soul. Avec de gros morceaux de bleus à l'âme dedans. Et la plus belle femme du monde. Interdite aux moins de 40 ans.

Beth Gibbons & Rustin Man - Tom The Model

bjork hunter

parce qu'avec ce bolero plus reconstruit que déconstruit, Bjork aura atteint le coeur de son art, ni chair, ni poisson, sans père, ni mère, objet musical non identifié, à la fois de son temps et perdu dans les strates de tous les autres. Un morceau définitif ? Non, un morceau infini, qui contient ceux qui ont déjà été écrits et annonce ceux qui restent en devenir.

Bjork-hunter videoclip (long)(HQ)

arto lindsay combustivel

parce qu'après avoir inventé la no wave puis la scène newyorkaise de la fin des années 70, il a donné un visage à la grosse pomme des années 80 avant de s'en retourner chez lui et de tirer un trait sur la bossa en signant cette épithète définitive, mais renfrognée. Etat des lieux.

 Arto Lindsay - Combustivel

chet baker my funny valentine

parce qu'il laisse tomber la trompette et lance la voix. Pour le meilleur ou pour le pire. C'est le meilleur qui nous arrache les tripes. Le pire est pour lui. Un numéro un ? Un numéro blanc. Hors série. Aucune liste ne peut l'héberger. Hors jeu.

Chet Baker - My Funny Valentine

buzzcocks sixteen

parce que la solitude, l'enfermement et l'ennui de l'adolescence exprimés comme jamais. Traversé de déchirures électriques, comme un hymen qui rompt ou des ongles qui s'arrachent contre un tableau noir, le morceau est construit sur un paradoxe. Le long (très long) break de la fin règle le tempo, la batterie coincée en roue libre dans une urgence de lapin mécanique qui n'exprime plus rien que le vide. Qui souhaiterait encore avoir 16 ans sous les latitudes de Pete Shelley ?

Buzzcocks - Sixteen

dusty springfield i can't make it alone

parce qu'elle n'y arrive pas toute seule. Et que dans ce contexte précis, si vous n'avez pas envie de l'aider, c'est qu'il n'y a rien à tirer de vous. Un appel au secours d'une rare humilité, avec des montées et des descentes harmoniques à remuer le coeur. Profession de foi.

Dusty Springfield I Can't Make It Alone

tindersticks let's pretend

parce que le plus beau morceau jamais écrit. Bâti sur une interminable montée de cordes frémissantes et de cuivres conquérants portés à bout de bras par des mariachis en exil, soutenu bon an mal an par une batterie éreintée échappée d'un mauvais western que n'aurait pas oser signer Sergio Leone, le morceau se clôt sans prévenir sur une dead end expéditive de film noir. Comme un sanglot. Un chagrin étouffé. Comme si l'orchestre triste avait soudain baissé la garde et pris le coup qui l'avait envoyé au tapis. Et on a eu beau en redemander, on a eu beau s'interroger, beau frémir sur les BO des films de Claire Denis, se sentir défaillir en écoutant Dying slowly, Until the morning comes et autres Are you trying to Fall in Love again, rien n'a plus jamais été pareil. On continue à en vouloir un peu aux Tindersticks.

Let's Pretend - Tindersticks

massive attack paradise circus

parce qu'on a rarement donné aussi peu en suggérant autant. Parce que si le masochisme existe en musique, MA en pose ici les bases et qu'on accepte avec ferveur de s'y tenir. Ce morceau est construit sur des évocations de ce qu'il aurait pu être. A nous de remplir les blancs, de frémir en sentant que ça monte et de ne jamais voir venir le climax. Leçon de sadisme appliquée aux auditeurs.

Massive Attack - Paradise Circus

the animals good times

pas parce que Burdon a blanchi le rythm and blues avant tout le monde, trop facile, et ce n'était surtout pas dans son programme, on est ici très loin de toute tentation blue eyed soul. Mais simplement parce qu'il a voulu être noir et qu'il y a réussi. Avec toute l'humilité d'un petit prolo du nord de l'Angleterre tombé nourrisson dans la marmite soul. Le seul à avoir eu une telle fascination pour une musique à laquelle il n'a pas essayé d'emprunter ses ficelles, qu'il n'a pas tenté de traîner vers d'autres ailleurs, mais n'a eu de cesse qu'elle l'accepte, l'intègre et lui laisse gagner ses galons à la sueur de la voix. Respect. Good times parce que ça sent la bière, le pub, les crânes qui s'effondrent sur le comptoir et font du bruit en le heurtant, le piano de bastringue, une grosse basse qui ronronne, là, dans le fond. Et l'auditeur tout seul face à l'évidence.

the animals - good time bbc.wmv

julien clerc ce n'est rien

parce que John et son bar, 6 poteaux en bois dur, un comptoir idem et un toit en palmes, au bord du Maroni, ouvert toute la nuit. Des crapauds buffles qui jalonnent l'accès aux toilettes, le satin d'un ciel d'une profondeur rare, Carpenters, Luiz Gonzaga, Julien Clerc. John en cavale depuis le Surinam voisin, recherché par le gouvernement pour avoir escroqué les finances, enrichi sur l'argent de la bauxite. Luz, 20 ans à peine, un strabisme divergent, un corps maigre et mou de poupée de chiffon, idéal pour le forro. Les nuits qui ouvrent sur le jour, des rangées de gin tonic, quelques accras pour absorber des liquides profus. Roda-Gil et ses textes hétérodoxes. Sa voix de fumeur invétéré. Sa culture anglo-saxonne. Ses cheveux blancs épais. John avait des cheveux blancs épais. Rattrapé par son passé, il quitte la Guyane en 1995 pour aller s'installer à Curitiba, dans la famille de son épouse. Un certain Damien reprend le bar. Nous allons passer nos nuits ailleurs.

Julien Clerc - Ce N'est Rien

the who anyway anyhow anywhere

parce que Keith Moon a fini par oublier de jouer. Il se contente enfin d'exploser à répétition. C'est déjà du punk mais plus tout à fait, ça file de l'avant, et dans les grandes largeurs, ça prend l'eau de toutes parts vers des délires psychédéliques. Les Who venaient de régler son compte au rythm 'n' blues en écrivant le morceau que les Stones avaient pressenti mais pas su composer, Out in the street, pour éradiquer les malentendus et annoncer le futur : le hard rock pointe ici son nez, et la scène de Blow up où Jeff Beck détruit sa guitare n'aurait jamais existé sans ça. Ca annule la guerre Beatles and Stones en la rendant définitivement caduque. On est au milieu de tout ce qui se fera plus tard dans le rock inspiré et énergique. Dans l'oeil du cyclone de la musique populaire. Tout est parti de là et tout y revient.

The-Who Anyway" Anyhow "Anywhere 1965

13th floor elevator you're gonna miss me

parce que Rocky Erickson commet ce morceau sans y croire, nanti de son étrange gourde électrique. En effet, qui peut croire à CETTE CHOSE en 1966 ? Alors que les guitares des autres partent dans de longues errances lysergiques suivies à 4 pattes par des batteries à bout d'idées. Qui peut envisager une telle efficacité doublée d'une telle violence ? On fonçait là vers l'avenir du garage, sans compromis. La grande tune larguée des mid sixties avec un interprète encore plus mal en point que sa chanson. Un des meilleurs titres pensés par un musicien. Une anomalie au final. Je vais te manquer. Tu parles. Si vous pensez que vous l'avez trop entendu, jetez à nouveau une oreille dessus. On ne peut pas s'en lasser. Ca préfigure les Cramps, Bruce Joyner, le Gun Club et, plus près de nous, Hanni El Khattib, voire Lana del Rey - si - tout un pan de la mythologie americana west coast, entre swamp rock, film d'horreur, Lynch et rockabilly. Recueillez-vous, mes frères.

13th Floor Elevators - You're Gonna Miss Me (Original Mono Mix)

arctic monkeys secret door

parce qu'il faut bien choisir entre eux et Franz Ferdinand et que le choix n'est pas difficile entre orfèvres et bûcherons. Pas difficile d'accepter de pencher vers la beauté quand l'alternative est l'efficacité. D'autant plus que ce morceau, fait de ruptures et de tensions, d'abandon et de combativité aurait largement de quoi fournir la matière à un album entier de troupes moins bien servies par la nature. Et Humbug n'accueille que des compositions de cette envergure. Encadrée, portée, soutenue par les architectures puissantes de Josh Homme, la subtilité de l'écriture trouve ici un écrin à sa démesure. Il apparaîtra trop complexe par la suite à la bande de Sheffield de maintenir un tel niveau de qualité. Devenu gourou plus que prophète, Josh Homme finira d'étouffer dans des arrangements gonflés aux haltères une inspiration tournant à vide.

Arctic Monkeys - Secret Door BBC Radio 1 Live (Maida Vale Sessions)

arcade fire the suburbs

parce que so far away from Cat Power qui, elle, était passée de la pureté à blanc à l'éternel en signant The Greatest. Chez Arcade Fire, on saute allègrement le gap entre le néant et le définitif. En raison de cet aspect du problème, beaucoup de mal à cocher celui-là. Mais il a l'évidence, la grâce discrète des sommets de la pop, il se refuse trop pour qu'on n'aie pas une envie furieuse de le prendre dans les bras. On dirait presque que l'intégralité du groupe tourne le dos au public pour le jouer, pas convaincu de comprendre ce qui lui arrive, un peu honteux de tailler dans le son avec une telle perfection. Le seul morceau (bon, mauvais ? non, le seul morceau) d'un groupe qui ferait mieux de mettre la clé sous la porte plutôt que de continuer à nous encombrer les oreilles. Comme Godard avec son Mépris, qui aurait mieux fait de ranger les caméras ensuite. Mais il faut bien vivre, n'est-ce pas ? D'où l'intérêt d'un art non rémunéré. Tous les artistes devraient être rentiers. Ca nous éviterait bien des films, des livres, des tableaux, des installations, des concerts et des albums inutiles. Parce que le grand morceau manquant de Darkness on the Edge of Town.

Arcade Fire - The Suburbs

chico buarque basta um dia

parce qu'un jour suffit pour tomber fou amoureux de Meus Caros amigos. Et qu'une vie est trop brève pour épuiser cet album. Le plus beau recueil de chansons du monde. Un album de chanteur. Parce que la voix un peu nasillarde, un peu peinée du futur écrivain de polars fait ici merveille. Explorant toutes les réserves de mélancolie enjouée de l'âme. Creusant dans un patrimoine d'économie. Flirtant avec quelques cordes discrètes par ci, avec une flûte par là, affinant le pathos sur la fin des compositions en ayant presque l'air de s'excuser d'autant de finesse harmonique. La classe américaine, comme dirait l'autre.

Chico Buarque Basta um dia

dead weather are friends electric ?

parce que c'était un bon morceau mais chanté par un Nosferatu en plastique et recouvert d'un emballage plastique. Le Dead weather d'Allison Mosshart et de Jack White a déchiré l'emballage, posé une voix d'outre-tombe sur des giclées électriques et lâché les fauves. Ca a donné une sombre montée aux enfers, qu'apaisent par moments une basse cauteleuse et des aplats bruitistes. Accessoirement, le seul morceau fréquentable du dit Dead Weather, ennuyeux par ailleurs.

The Dead Weather - Are Friends Electric?

morrissey and siouxsie sioux

parce que deux dinosaures de la pop anglaise, version 80's, antagonistes et rassemblés, ça ne peut donner qu'une grande version d'un tout petit morceau emprunté à un film inconnu. On n'est pas chez Michel Legrand, plutôt dans la mouvance heroic fantasy attribuée habituellement à la dame - en fait ET initiatrice de la première fournée punk britannique ET fondatrice précoce du trip-hop aidée en cela par son Budgie de conjoint - et c'est tant mieux. Les voix font merveille, on oublie le texte pitoyable, on fonce dans le mur et les poils se dressent sur les bras. On y est. Et ça n'en finit plus d'être jouissif. Merci à la purpose built cover song d'avoir accroché deux interprètes aussi conséquents. Et aussi mal assortis en apparence. Le résultat est à la mesure de ce qu'on n'attendait pas.

MORRISSEY & SIOUXSIE - 'Interlude' - 12" 1994

essential logic alkaline loaf

parce que d'une époque troublée, dite de transition, admirablement retranscrite par le journaliste Simon Reynolds dans son Rip It Up and Start Again, qui les a presque oubliés, Essential Logic compose un amalgame saisissant et emporte la donne avec ce morceau d'une richesse infinie. Partant du présupposé d'une basse lourdingue, mais ô combien fureteuse dans sa façon de tracer la mélodie, Alkaline loaf encaisse une voix ingrate, un saxo gras bien que sinueux au possible, une batterie à la ramasse et les draine vers une agileté rarement rencontrée auparavant pour inventer ce qu'on appellera plus tard, beaucoup plus tard, la fusion, tout en ignorant codes et contraintes. Le grand morceau méconnu et furieusement féminin de Gang of Four. Pourquoi pas ?

Essential Logic - Alkaline loaf (in the area)

caetano veloso livros

parce qu'il est l'un des premiers à avoir émergé de l'après-bossa nova sans trop de heurts, qu'il a su saisir la queue de la comète et qu'il décompose ici la musique de ses aînés et son ascendant la samba comme à l'ouverture du XXIème siècle les jeunes tenants de la cuisine moléculaire l'ont fait avec les gastronomies endémiques : en préservant les saveurs tout en pulvérisant les ingrédients. Un disque fin de siècle sans lequel le suivant aurait peiné à exister. Ce morceau parce qu'il contient tous les autres et résume l'album. Un peu l'antithèse de Meus caros amigos de Chico Buarque. Des abums tellement riches et tellement antinomiques que si l'on compile les deux on obtient un panorama presque complet d'une des 2 ou 3 musiques les plus denses du siècle passé. Percussions ivres, cordes hésitantes, contretemps et contrepoints, voix d'ange, textes littéraires. Et on demeure dans la musique populaire. Qui l'eût cru ? Le peuple a toujours raison.

Caetano Veloso - LIVROS - High Quality

Merci de votre attention

ps : et le classement dans tout ça, me direz-vous ? Sachant qu'il m'aura fallu 3 mois de patience, d'esprit de synthèse, de détermination et de renoncement pour constituer la liste que vous venez de dérouler, merci de considérer que cette part du travail vous revient. J'accueillerai toutes vos propositions avec la bienveillance qui me caractérise et publierai celles qui me semblent les plus pertinentes. Je vous invite également, si cela vous semble judicieux et toujours dans l'esprit d'oecuménisme prôné par la sélection ci-dessus, à substituer certains de vos choix aux miens, tout autant qu'ils s'en approchent et vous semblent éventuellement plus à leur place au creux du nid que vous aurez tissé sur le mien.

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