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le terrain de sport
18 mars 2016

NOUVELLE VAGUE - FORGET ALL ABOUT EQUALITY / UNE HISTOIRE FRANCAISE - PARIS ET AILLEURS

NOUVELLEVAGUE

Bonjour,

il s'agit d'une histoire qui trouve son fil conducteur dans une série de hasards. J'entendis parler de Marc Collin de manière indirecte, dans un premier temps, ce devait être en 1991, parce qu'il posait les bases d'un groupe (qui naîtrait sous le nom d'Indurain) avec l'ami d'un ami. Plus tard, j'appris à relier son nom à la scène de Versailles, cet ouragan discret qui, utilisant les armes de l'intelligence, de l'ouverture d'esprit et d'une culture polymorphe, avait, au tournant du siècle, réveillé la France musicale d'un cauchemar à base de chansons à textes et d'esprit de clocher. Je reçus ensuite de ses nouvelles sur une cassette, envoyée par une connaissance, sous le nom de la parenthèse Ollano et du single Latitudes, porté de manière gracieuse par Héléna Noguerra qui, pour les gens de ma génération, fut longtemps une soeur de... avant de prendre son envol et une autonomie qui dépasserait bientôt celle de Lio, reléguée aux jurys de télé-crochets.

Mais quand le projet Nouvelle Vague commença à faire parler de lui, au début du 21ème siècle, j'eus un peu tôt fait de le ranger dans les cases "bobo", toute neuve et prête à l'emploi, et "anecdotique". Parce qu'il semblait s'y prêter, que je quittais à nouveau la France et que je n'allais pas me laisser accompagner dans une seconde expatriation par cet encombrant bagage qui sentait très fort le Paris-Canal Saint-Martin de cette époque-là.

NOUVELLE_VAGUE_TER

De loin en loin, depuis la playlist d'une soirée ou depuis mon très proche entourage, je continuai à recevoir des messages agréables de l'équipe de Marc Collin, sans que j'aie envie de creuser au-delà. Converti à la bossa nova sur le tard, par l'entremise du Jean-Louis Murat du Manteau de Pluie, mais ayant biberonné dès la plus tendre adolescence au lait sonique du Londres de la fin des 70's et du début des 80's, j'éprouvais des difficultés à accomplir le grand écart mental qui m'aurait permis de relier les deux et j'en voulais un peu à ces compilateurs cultivés d'appliquer une recette dans laquelle je croyais deviner une attitude stérile.

Les années s'écoulèrent.

NOUVELLEVAGUETER

Ce fut en 2012 peut-être, récemment quoi qu'il en soit. Mon fils qui ne se trouvait pas d'accompagnateur, me proposa d'aller écouter le groupe dans une salle de la Concession française de Shanghaï. Ce concert fut une découverte. A commencer par celle de l'utilisation d'un principe, encore un, mais qui se révélait gagnant dans ce monde de brutes qu'est le milieu pop-rock. Mettre les chanteuses en avant, les envoyer sans ménagement au turbin, équipées de tambourins, de maracas et de mélodicas pendant que les hommes assuraient le back office. Un spectacle inattendu et excitant naissait de ce contraste, de cette scène en deux temps, en deux tons, à deux visages, laissant non seulement la part belle aux voix, mais plus encore à la prestation des filles (en l'occurrence, Mélanie Pain, le pilier de la bande, Zula, la transfuge du Crazy Horse, et la Cubaine Liset Alea, en majesté et en meneuse de revue auto-proclamée). Le fond musical, beaucoup moins monotone qu'envisagé, prenait la bossa pour prétexte à un déshabillage en règle de mélodies qui avaient autrefois été corsetées par des productions souvent maladroites, parfois franchement inexistantes, toujours parasitées par les tics musicaux d'une époque. En ralentissant le tempo, en laissant aux compositions un espace d'ouverture pour s'exprimer, Collin et Libaux affichaient plus qu'un grand respect des originaux. Ils en démontraient une connaissance telle que la mélodie avait tout à gagner à séjourner le plus longtemps possible en leur compagnie. Par la mise en lumière de certains recoins obscurs des morceaux, par le rejet de gimmicks que l'on avait pu penser indispensables, mais qui ne s'avéraient être que des motifs rapportés, les musiciens approchaient l'essence des compositions. Celle-là même que les créateurs n'avaient peut-être pas su appréhender, leurs créations leur étant ce soir-là définitivement confisquées.

Assemblé au pied de la scène, le public chinois, notoirement statique, silencieux et peu inspiré, en vint même à se parjurer à deux reprises : en reprenant en choeur les paroles et en remuant imperceptiblement les pieds dans une tentative d'échapper à sa condition immeuble.

NOUVELLE_VAGUE_QUATER

Cette soirée, plus que de me réconcilier avec les troupes de Libaux & Collin, me fit tomber dangereusement amoureux de leurs covers, convaincu, pour paraphraser le Master & Servant de Depeche Mode qu'ils déstructurent avec brio afin de mieux le reconstruire, que la concurrence devait "renoncer à toute prétention à l'égalité", les filles et les garçon de Nouvelle Vague touchant déjà le fil de l'horizon quand leurs éventuels co-listiers tentaient en vain de s'en rapprocher. Constructrice d'une mythologie (celle de la cover non inféodée) et d'un univers riche et mixte brassant les obsessions internationales d'esprits éclairés, l'équipe ne jouait de toute façon pas dans la cour habituellement occupée par les musiciens.

Aujourd'hui mise en veille, Marc Collin ayant décollé pour Bristol et Olivier Libaux décalquant le principe de la cover inspirée sur les chansons de Josh Homme et ses Reines de l'Age de pierre, l'idée Nouvelle Vague pourrait bien un jour renaître de ses cendres, sous d'autres cieux et selon d'autres interprètes, le projet n'étant en rien figé ou égoïste.

 

Sélection

Dance with me - Loin d'obéir à un raisonnement hasardeux, modeux, ou même opportuniste, le choix de Libaux & Collin de donner à chanter leur sélection à des oiseaux de passage, voire à des apatrides (Liset Alea, Nadeah Miranda), n'est pas innocent. Ne l'est pas plus celui d'utiliser le vecteur de la bossa pour le mettre en musique. L'association de chanteuses (ou de chanteurs) d'un jour, d'une semaine ou d'un an, et de la musique contemporaine probablement la plus signifiante pour l'humanité qui l'entend depuis 50 ans dans ses aéroports, ses ascenseurs, ses couloirs d'hôtels et ses salles d'attente, permet aux interprétations du duo de s'envoler vers un imaginaire sonore mondial et de l'occuper quasiment seules, en harmonie avec les compositions de Jobim. Ces précisions pour tenter de faire comprendre l'ambition évidente du projet des deux compères qui, outre l'émotion qu'on est en droit d'attendre de la musique en général, lui instillent une qualité dont elle est trop souvent dépourvue : l'intelligence, le tout conférant une puissance d'évocation au carré aux morceaux qu'ils choisissent d'habiter.
Ici, dans une version plaintive et souffreteuse, gémissante et sensuelle, du
Dance With Me des Lords of The New Church sur fond de chorégraphie branque du Bande à part de Godard

Nouvelle Vague - Dance With Me [Bande à Part - Anna Karina]

 

Parade - Quittant le navire Buzzcocks avant même qu'on devine le phare dans le lointain, délaissant la hargne du punk, mais conservant l'énergie et l'infusant de bastringue, de prog-rock et de ce qu'on pouvait prendre pour les derniers feux du glam-rock, Howard Devoto se rêvait en Kurt Weil des années 80. Volant quelques encâblures au-dessus de son éventuel public, il rata, à force de malentendus, le rendez-vous avec le succès. Grand morceau malade, Parade stigmatisait sans doute idéalement le goût de son créateur pour l'expressionisme et les atmosphères de cabaret. Ici, débarrassé de l'emphase qui en plombait la mélodie, on redécouvre une composition à la construction fascinante, en plusieurs temps et à plusieurs voix. Sur la scène du Circo Voador de Rio avec mise en mouvements féline par Zula du Crazy Horse et construction de voix rauque par Liset Aléa et Phoebe Killdeer

Nouvelle Vague Parade Circo Voador Dawn Of Innocence Rio de Janeiro live Brazil 2012 video HD

 

Master and Servant - Flagrante sur cette reprise du Depeche Mode pré-Violator, l'intention de donner du corps et une âme à une chanson un peu raide, un peu coincée aux entournures qui devient, par la grâce de l'interprétation, une ode à la domination sexuelle, et échappe définitivement à ses créateurs. Mettant en scène Nadeah Miranda et Mélanie Pain

Nouvelle Vague Master & Servant Live Nyhetsmorgon 2009

 

Making Plans for Nigel - Confisquant sa chanson au brillant Andy Partridge, Nouvelle Vague ne tentera pas de lui injecter l'intelligence dont elle est déjà pourvue. Le groupe choisira plutôt de lui faire escalader deux crans dans l'échelle de l'émotion et de l'empathie. On ne sait pas quels sont les projets envisagés pour Nigel par sa famille, mais tout le mal qu'on lui souhaite, c'est d'entendre l'hydre bicéphale Marina Celeste/Liset Alea les lui susurrer.

NOUVELLE VAGUE - Making plans for Nigel


Où veux-tu qu'je r'garde - Pour cette version de la cover, au pied levé, sur les toits d'Istanbul, plus que pour la reprise elle-même, le morceau original étant admirable de tension et de violence retenue. Egalement pour le commentaire de Liset Alea lâché comme ça, en passant, sur l'extranéité et l'état d'irréalité qui gère les émotions des éternels expatriés. Et peut-être aussi parce que ce moment, pris comme on veut, quand on veut et où on veut, symbolise la grande indépendance du projet nouvelle Vague, l'autonomie qui le parcourt. Et, en définitive, parce qu'il est toujours bon pour une chanson de se voir retirer un excédent de pathos.

Nouvelle Vague - Où veux-tu qu'je r'garde (İstanbul Acoustic - Long Way From Home)

Merci de votre attention

 

 

 

 

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