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le terrain de sport
5 avril 2023

LE STANDARD DU VENDREDI SOIR - SLACKER DU MAT', IL EST TROP TARD

Il y a plus de 30 ans, Michael Ivey, déguisé en groupe de jeunes à lui tout seul et entouré pour faire genre de quelques gandins récupérés sur les bancs de la fac, sortait dans son coin et sur un label créé pour l'occasion, un album qui aurait dû révolutionner l'histoire de la musique populaire. Mais qui n'en fit rien. Flanqué d'une intro et d'une outro, Play With Toys alignait 9 compositions à géométrie contrariée, orphelines de père et de mère, mais dont les grands yeux mélancoliques et la jolie voix grave ne pouvaient que séduire les candidats à l'adoption. Encore fallait-il attirer leur attention. Et pour cela envoyer un message clair et lisible. Ce que Michael Ivey refusait clairement de faire.

 

DC BASEHEAD

Si l'on pouvait, en un habile tour de passe-passe, enfermer ses petites notes de musique dans une boîte, nommons-la "Beck Unplugged", lui s'obstinait à appeler ça du hip-hop. Or, de hip-hop, ses petites créatures certes jolies, mais également hirsutes et dépenaillées, n'avaient que le nom, pas plus l'allure que l'odeur ou la couleur. A peine parvenait t'on, au hasard de scratches piteux, au détour d'un Play With Toys empruntant finalement plus à Joy Division qu'à De La Soul, à accepter la revendication d'une influence rap. Et encore fallait-il y mettre beaucoup de bonne volonté. Ce que nous entendions, derrière les accords glandeurs de DC Basehead, c'était un mec qui gratouillait sa guitare sous une veranda du sud profond, c'était un ninot du Park Slope des 90's qui fredonnait à voix basse en reprenant le rythme sur son ghetto blaster, assis sur les marches d'une brownstone aux fenêtres condamnées, c'était un petit gars de la middle-class suburbaine en T-shirt à rayures qui passait la tondeuse en chantonnant sur les pelouses de l'Amérique de Pavement, c'était un teen qui dévalait les rues en pente de San Francisco, une radio ouverte à plein tubes attachée au guidon de son vélo, c'était une Americana destructurée, cassée, puis reconstruite à l'envers, sans respecter les instructions IKEA, une musique moléculaire, comme certaine cuisine se targuait de l'être à l'époque. Trop indécise pour un public blanc friand d'étiquettes, ni assez groove, ni assez classe pour un public noir radical et exigeant, juste assez geek pour séduire les fréquences FM étudiantes, malgré un succès d'estime, la bande-son lo-fi idéale et idéalisée de DC Basehead se vautrerait sur les deux albums suivants qui finiraient par ressembler à l'exploitation peu inspirée d'une licence et guideraient vite Michael Ivey vers la case réinterprétation pataude, puis dissolution dans l'absence.

Demeure un monument bancal, une ode au travail vite fait, bien fait, un panégyrique de la glande, un album inspiré et inspirant de bout en bout qui ne sut jamais trouver ni le billboard qui lui convenait, ni le public qu'il méritait. Alors, si vous passez par là, entrez, vous ne le regretterez pas. La baraque mal dessinée, mal foutue, mais diablement séduisante de Michael Ivey ressemble à La Maison de Mon Rêve des frangines frappées comme un singapore sling de Coco Rosie. On s'y sent bien, on y revient.

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