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le terrain de sport
18 juillet 2015

ici, aujourd'hui, demain, Le Corbusier, une permanence - Barcelone / Chandigarh

 

chandigarh

Bonjour,

j'ai parfois l'impression d'avoir rêvé ces phrases, mais je suis pourtant certain de les avoir lues, écrites de la main de Le Corbusier. Dans une revue. Ou découvertes sur un panneau, dans les magnifiques anciens abattoirs de Casablanca, à l'occasion d'une exposition qui embrassait l'histoire des deux villes, toutes deux structurées par les théories du zonage. Le principal théoricien de nos pratiques urbaines contemporaines (parce qu'il est difficile de le qualifier autrement) en visite à Barcelone et se voyant présenter le plan Cerda et les réalisations de Gaudi, de Domenech ou de Puig, aurait déçu les attentes de ses hôtes en tombant en admiration devant un patio de manzana. Ces cours intérieures des blocs d'immeubles de l'Eixample, à la surface exceptionnelle (113,3 x 113,3m), censées répondre à des règles d'organisation édictées par l'urbanisme, ont contre toute attente, au fil des nécessités et des hasards, été prises d'assaut, modifiées, restructurées, aménagées sauvagement au fur et à mesure, en suivant les besoins et les envies des propriétaires (cordes à linge, cuisines extérieures, balcons obturés, plantations anarchiques, mais aussi, clubs de gymnastique, jardins d'enfants, espaces de vie en tout genre) qui s'en sont rendus maîtres au mépris de tout respect de la volonté d'ordre initiale.

 

Patio de manzana

Affirmant qu'il voyait là l'exemple le plus accompli de ce qu'il attendait qu'on impose à ses bâtiments : une appropriation, une adaptation à caractère personnel de ses modèles à vivre, sortes de boîtes vides dans lesquels le locataire ou le propriétaire pouvait projeter ses fantasmes d'habitat, l'architecte jetait ainsi les bases de l'appréhension qu'on devait avoir de son travail. Qu'on s'empare sans respect de ses visions, qu'on les maltraite jusqu'à en extraire un sens lisible non par tous, mais par chacun. Ainsi ont procédé les Indiens à Chandigarh, l'aboutissement de sa vision du monde urbain, remodelant la ville à leur image, l'entraînant dans leur quotidien, graffitant la matière première pour y imprimer ce chamarrage qui leur manquait. Ce que nous disait Le Corbusier, en somme pas si éloigné que ça du constat que Borges tirait du rapport du lecteur à ses textes, c'est qu'il avait créé une page blanche, un espace vierge, non une contrainte. Pas une solution, mais une proposition et que nous devions nous atteler à combler ce vide, à répondre à ces attentes. Sans quoi, son projet demeurerait vain.

Que tous ceux qui ignoraient jusqu'au nom de Chandigarh il y a 10 ans et ne voyaient en l'architecte qu'une fabrique à plans de barres d'immeubles, mais se précipitent aujourd'hui à toutes les expositions qui mettent à jour son oeuvre si mécomprise, lèvent le doigt. On rasera la forêt.

Merci de votre attention

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